Publié le : 2022-11-09 12:55:54
Aujourd’hui il est admis de relier les aspects idéologiques et pseudo-religieux de la domination nazie au concept de totalitarisme. L’évaluation du rôle des Églises allemandes sous le troisième Reich a également évolué et s’est modifiée à plusieurs reprises depuis l’après-guerre. Qu’en dire presque un siècle plus tard ? Quelle fut l’attitude des Eglises face à l’idéologie et au pouvoir nazis ? Quels furent leurs choix face aux messages bibliques et aux messages politiques de salut quasi-religieux ?
LES ÉGLISES ALLEMANDES SOUS LE TROISIEME REICH
Christoph STROHM
Editions Labor et Fides – octobre 2022
224 pages – 19 €
Pour analyser ces questions, Christoph STROHM (professeur d’histoire du christianisme contemporain à l’Université de Heidelberg) s’approche au mieux des faits et de la réalité. Il publie ses recherches aux Editions Labor et Fides, sous le titre « Les Églises allemandes sous le troisième Reich ».
Christoph STROHM
Hitler, tout en ayant manifestement des positions anti-chrétiennes, s’est présenté comme un homme providentiel dont l’action était déterminée par des motifs religieux et moraux. Il est intervenu à plusieurs reprises dans des phases décisives de la vie des Eglises allemandes. Il les voulait amadouées et unies derrière lui, sans entrer en lutte ouverte avec elles.
Le livre s’ouvre sur la nouvelle liberté religieuse et la fin de l’intérêt des autorités politiques pour les affaires ecclésiastiques, une situation permise par la République de Weimar instaurée après la première guerre mondiale et idéologiquement neutre. Puis il couvre toute la période allant de 1932 à 1945. Les titres des cinq premiers chapitres résument les attitudes des Eglises face aux thèses et aux actions du national-socialisme : Illusion et distance, Espérance et désillusion (1933), Mise au pas et résistance (1934), Exclusion et répression (1935-1939), Guerre et persécution (1939-1945).
Pour le lecteur qui ne connait rien de l’histoire des Eglises allemandes de 1932 à 1945, une chronologie des évènements est publiée à la fin d’ouvrage ainsi que deux cartes, la première concernant les Eglises protestantes dans l’Allemagne des années 1920 et la seconde l’organisation de l’Eglise catholique dans l’Allemagne de 1929.
Christoph STROHM met en évidence que la lutte contre le judaïsme et la haine des juifs, au cœur de l’idéologie hitlérienne et du régime national-socialiste, n’ont pas clairement et rapidement suscité la protestation publique et massive qu’on attendait de chrétiens prêchant l’amour du prochain.
Il fait cependant une distinction entre les Eglises : catholique, évangélique allemande (issue des courants théologiques de la Réforme) et évangélique confessante (née en réaction au racisme et à l’antisémitisme au sein du protestantisme). Il montre que les Eglises n’ont pas toujours réagi de la même façon, compte tenu de leur organisation, de leur théologie ou de leur histoire faite d’une plus ou moins grande proximité avec l'Etat.
Osons restreindre les 200 pages d’un contenu si riche et si précis à une brève de 10 lignes :
Ce livre parait en 2022 dans une période de guerre en Europe où Dieu est une fois de plus instrumentalisé, où l’actualité est souvent commentée en référence à l’époque du troisième Reich et de la seconde guerre mondiale. Rien n’est simple. En Allemagne, les hésitations des Eglises entre adaptation, silence, coopération, complicité, adhésion, indifférence, résistance, opposition, rejet … le montrent. Les sévices et mesures coercitives dont furent victimes de nombreux chrétiens, prêtres catholiques et pasteurs protestants aussi.
Le temps a passé, libérant les historiens des perceptions de l’immédiate après-guerre. De nombreuses sources de documentation sont désormais accessibles. L’ouvrage de Christoph STROHM est sérieusement documenté, avec une bibliographie fournie.
Et si des questions restent ouvertes, « Les Églises allemandes sous le troisième Reich » est un document clair et précis qui permet à tout lecteur d’améliorer sa compréhension de cette époque compliquée de l’Histoire.
Brigitte EVRARD.