Publié le : 2023-02-28 15:12:09
Ce livre est la compilation des 6 conférences données durant une semaine en Janvier 2021 et organisées par 3 facultés de théologie protestante (l'ITP de Paris et Montpellier ainsi que la faculté de Rome). Ces 6 conférences intéresseront plus particulièrement les étudiants en théologie mais aussi un lectorat plus large pour quiconque veut approfondir ses connaissances sur l'histoire du texte biblique, son évolution et la constitution en un canon.
La formation des canons bibliques,
Collection "A voix haute" Volume 3, Collectif,
Olivétan, 2021, 143 p. 10 €
Le pluriel "des canons bibliques" dans le titre pourra surprendre. Mais à la lecture du livre cela s'éclaire car effectivement les confessions catholique et protestante n'ont pas le même nombre de livres dans leur bible et d'autre part au cours de l'histoire cette liste a varié suivant l'époque et les lieux de réception des textes bibliques.
On trouvera dans ce livre des informations sur : les manuscrits de Qumram; comment la bible s'est élaborée pour se constituer en une bibliothèque; la diversité des sources manuscrites et comment tous ces manuscrits, codex et traductions peuvent contribuer à reconstituer non seulement l'histoire du texte mais peut être aussi ce qu'il a pu être à l'origine (les autographes); quel statut pour les livres considérés comme apocryphes; les enjeux pour les éditeurs de Bible en lien avec la nécessité pour eux de choisir telle variante du texte etc...
Certains chercheurs ayant contribué à cette semaine de conférences font des propositions audacieuses, c'est le cas notamment de Pierluigi Piovanelli de l'Université d'Otawa qui partant du principe que ces listes de livres autorisés sont le fruit de "constructions socioculturelles inscrites dans l'espace et dans le temps" (p. 22), propose de rouvrir l'examen d'autres livres pour les introduire dans un nouveau canon biblique : "A quand l'insertion dans nos Bibles d'autres textes tout aussi significatifs ?" (p. 23). Il estime arbitraire de clore le processus de canonicité. D'autres comme M. Richelle (Université de Louvain) et Valérie Duval Pujol (Institut catholique de Paris) tout en soulignant la grande variété des témoins textuels et les variantes induites par ces sources sont plus nuancés. M. Richelle pose bien les enjeux : il y a ceux qui tiennent à la théorie "d'un texte de référence à partir duquel on peut penser l'évolution du texte au fil du temps"(p. 71) et ceux qui croient à une "fluidité textuelle" ou "pluralité du texte" dès sa composition. Pour ces derniers il n'y a pas lieu de chercher un texte de référence "puisqu'il est de la nature du texte de se multiplier sous diverses variétés..." (p. 72). Cette dernière approche sera privilégiée par ceux qui ne sont pas convaincus de la nécessité d'un canon clos (p. 75). Mais - et c'est ce que souligne M. Richelle - la question reste épineuse pour les éditeurs du texte biblique qui eux doivent bien faire un choix (pp. 75ss).
A noter aussi la conférence d'Eric Noffke (Faculté de théologie vaudoise de Rome) sur l'influence du livre de 1 Henoch dans la littérature néotestamentaire (Jude par exemple), influence qu'il a à mon sens tendance à majorer. Ce qui est moins compréhensible c'est son affirmation catégorique " [...] le monde des premiers chrétiens est marqué par 1 Henoch et certainement pas par l'Ancien Testament" (p. 115 c'est nous qui soulignons).
Conclusion : un livre assez technique sur un sujet fondamental puisqu'il s'agit d'établir le texte biblique sur lequel la foi des croyants se fonde.
Thierry Rouquet
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