La dette : une enquête philosophique, théologique, et biblique

Publié le : 2016-01-18 18:14:59

La dette : une enquête philosophique, théologique, et biblique

La dette

Bernard Piettre et François Vouga

Labor et Fides, 22 euros, 238 pages







Il ne s’agit pas d’un livre d’économie, mais comme l’indique le sous-titre d’«une enquête philosophique, théologique, et biblique», co-rédigée par un théologien spécialiste du nouveau testament, François Vouga, et par un philosophe, Bernard Piettre.

Alors que la crise économique que nous n’achevons pas de traverser est d’abord une crise de la dette, il est très intéressant, sur ce sujet, de placer l’accent sur le rôle de ce phénomène dans les relations humaines et sociales, depuis l’antiquité jusqu’à aujourd’hui.

peinture de Domenico Fetti (c. 1620) montre le servant impitoyable agressant un de ses compagnons qui lui devait de l'argent.

Cette approche repose évidemment sur une conception très élargie de la dette; elle s’intéresse à la remise de la dette, donc au pardon, c’est-à-dire au dialogue entre un créancier et un débiteur qui sont d’abord des êtres humains égaux. Au-delà, il s’agit d’une réflexion sur l’identité des personnes, et sur le sens de la proclamation évangélique.

Parmi les textes disséqués avec virtuosité par François Vouga, la prière du Notre Père, où le verset «pardonnes nous de nos offenses comme nous pardonnons…" retrouve son sens premier «remets nous nos dettes, axe de la proclamation de la grâce accordée gratuitement par le Père. Les paraboles de «l’intendant infidèle» et «du serviteur impitoyable» sont également exposées avec une érudition admirable. Les prédicateurs et les paroissiens qui ont peiné sur ces textes difficiles trouveront dans cet ouvrage une illustration de la profondeur vertigineuse de l’Évangile, comme de la complexe cohérence du message de Jésus. Et le spécialiste de théologie paulinienne qu’est François Vouga se situe au sommet de sa pédagogie lorsqu’il analyse l’épître aux Romains sur le fondement de «la dette de l’amour mutuel».

On attendra avec impatience une extension de l’étude à l’Ancien Testament, tant il apparaît riche sur cette question.

Dans cet ensemble parfois ardu mais le plus souvent lumineux, la place de l’analyse anthropologique, plus restreinte, permet de recadrer le propos en le rattachant à l’histoire des idées et à l’actualité. La thèse économique très engagée (parfois au prix de la simplification outrancière) ne convaincra que les adversaires de l’économie libérale. On préférera l’analyse éthique sur les tensions entre la contrainte et la liberté, qui doit beaucoup à la pensée de Paul Ricœur, et qui est au centre du débat sur le «vivre ensemble».

Les auteurs ont réussi leur ambitieux pari: montrer au travers de la question centrale de la dette l’actualité du message de la Bible; raccorder théologie, éthique, et analyse des problèmes de l’économie et de la société du XXIème siècle.

Pour ouvrir la page de 2016, voici un ouvrage à lire en priorité.

Alain Joubert

Pour aller plus loin

La pensée économique et sociale de Calvin, André Biéler, Editions Georg, 2009
Dieu et l’argent : une parole à oser, Daniel Marguerat, Cabédita, 2013
L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme, Max Weber, Gallimard, 2003



Illustration : peinture de Domenico Fetti (c. 1620) montre le servant impitoyable agressant un de ses compagnons qui lui devait de l'argent. Sources free commons  https://fr.wikipedia.org/wiki/Parabole_de_la_dette

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