Publié le : 2022-12-09 16:47:24
Le fanatisme est un phénomène complexe et revêt des formes multiples, le plus souvent religieuses. Car, comme le souligne Philippe HENNE, dominicain, spécialiste reconnu des premiers pères de l’Eglise et professeur à l'université catholique de Lille, le terme « fanatisme » a dès le départ une dimension religieuse : il vient du mot latin fanum désignant le temple. La foi est-elle nécessairement liée au fanatisme ? Quels comportements religieux peut-on qualifier de fanatiques ? Qu’exige vraiment le Dieu auquel je crois ? Pour répondre à ces questions, Philippe HENNE propose un retour aux origines et un parcours historique des premiers siècles du christianisme. Il publie aux éditions Salvator « L’EGLISE FACE AU FANATISME : l’exemple des premiers chrétiens ». Dans la première partie du livre, en se basant sur les textes de l’époque, l’auteur met en lumière le fanatisme dans le christianisme naissant et les réactions contre les pratiques jugées déviantes. Il privilégie les historiens plutôt que les théologiens qu’il estime moins fidèles en raison de leurs visées idéologiques.
L’EGLISE FACE AU FANATISME
L’exemple des premiers chrétiens
Philippe HENNE
Editions Salvator - 2021
220 pages - 20 €
L’auteur rappelle que les premiers chrétiens étaient des martyrs, victimes des persécutions romaines. Les martyrs meurent injustement pour des crimes qu’ils n’ont pas commis, ils ne cherchent pas à mourir volontairement, ils ne manifestent pas de violence et ne tuent personne. Les premiers chrétiens étaient donc loin du fanatisme religieux …
Pourtant, le fanatisme s’exprime rapidement parmi eux : ainsi des croyants se dénoncent aux autorités pour provoquer leur mise à mort. Et comme si sacrifier sa vie ne suffisait pas, certains répandent un discours prônant un mépris du corps et une exaltation de l’esprit, ce qui entrainera une multiplication des pratiques ascétiques et un dénigrement de la sexualité. La condamnation de toutes ces pratiques est immédiate, témoignant de la capacité du christianisme à lutter contre les fanatismes qui naissent en son sein. Les perversions de la foi sont dénoncées. Les comportements extrêmes des ascètes (jeûnes sévères, conditions de vie inhumaines, continence sexuelle, mortifications) sont regardés comme des initiatives individuelles, bien éloignées de la plupart des interprétations des Ecritures. Cependant, le célibat consacré est souvent préféré au mariage dès le début de la tradition chrétienne. A l’appui de cet exposé, Philippe HENNE multiplie les citations en se référant aux nombreux ouvrages cités dans les notes. Les lecteurs sont ainsi plongés au cœur des histoires et des débats : par exemple la défense du martyre volontaire par les montanistes, la promotion de l’autodénonciation auprès des autorités romaines par les marcionistes, les suicides collectifs des donatistes, l’épisode des traditeurs, les positions de Tertullien, Origène et Cyprien sur le martyre, la justification de leur moralité par les libertaires, la description et la classification des formes d’ascèse, etc. …
Le titre de la seconde partie du livre « Tertullien, Origène, Augustin sur le banc des accusés », témoigne des intentions de l’auteur. Il s’agit d’évaluer le bien-fondé de la mauvaise réputation faite à ces trois personnages. L’auteur les acquittera : un chapitre pour Tertullien dont il excusera la violence verbale, un chapitre pour Origène dont il démontrera l’absence d’autocastration, un chapitre pour Augustin dont il justifiera l’attitude musclée envers les donatistes. Après avoir montré l’opposition de l’Eglise des premiers siècles au fanatisme, Philippe HENNE peut donc conclure son ouvrage ainsi : « c’est l’homme qui pervertit la foi et en fait un instrument de destruction ». Ce livre d’un spécialiste, dense mais facile à lire, plaira à tous ceux qui s’intéressent à l’histoire de l’Eglise ou aux débats sur le fanatisme religieux.
Brigitte EVRARD
Interview de l'auteur à propos du fanatisme :
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