L'avenir des Eglises protestantes

Publié le : 2022-10-04 12:30:38

L'avenir des Eglises protestantes

Fritz Lienhard (désormais F.L.) est professeur de théologie pratique et a enseigné dans plusieurs facultés de théologie protestante. Pour bien mesurer l'ampleur de ce livre, il faut se référer au sous-titre qui ne figure pas sur la première de couverture : "Evolutions religieuses et communication de l'évangile". Il s'agit effectivement pour notre auteur d'étudier dans un premier temps les mutations religieuses et plus précisément ce qu'on nomme couramment la sécularisation.

  

 

 

  

 

  

L'avenir des Eglises protestantes,

Fritz Lienhard, Labor & Fides, 2022, 385p. 29 € 

 

- le recul de l'influence du christianisme et des églises dans les sociétés modernes. F.L. ne se contente pas d'analyser la question de la sécularisation mais il met en évidence les présupposés des études sociologiques dans ce domaine, critiquant du même coup le discours séculariste qui voit la sécularisation comme le processus naturel de la modernisation de nos sociétés. Pour F.L. cette lecture séculariste postulant que le phénomène de la sécularisation est un processus linéaire allant d'une religiosité primitive pour passer progressivement à la rationalité empirique moderne doit être contestée : "Toutes les formes du scepticisme, du matérialisme et d'autres conceptions non religieuses du monde se trouvent déjà dans les sociétés tribales" (p. 23-24). D'autre part l'athéisme ne relève pas des seuls intellectuels et scientifiques car à l'époque médiévale il était même plus présent "dans les milieux populaires, liés à la contestation de l'Eglise institutionnelle." (p. 24). L'auteur reprend à son compte certaines analyses de M. Gauchet, notamment l'idée que le christianisme serait la religion de la sortie de la religion (liberté de conscience, ferments des transformations politiques et économiques à venir... etc). Cette première partie du livre me semble particulièrement intéressante de par cette analyse critique. 

 

La deuxième partie tente de répondre à la question suivante : "Comment les églises peuvent elles réagir à l'évolution religieuse conformément à leur identité théologique? " (p. 181). Je dois reconnaitre que je n'ai pas accrocher pour cette partie de l'ouvrage. On y retrouve les poncifs du libéralisme :

 

- P. 210 : La croix comme "paradigme" de la vie du croyant, à savoir qu'assumer sa croix équivaut à surmonter la finitude de l'humain dans sa mort.

 

- P. 252 : L'Esprit c'est la liberté, la lettre c'est l'enfermement : une interprétation de 2 Cor 3 assez répandue ("La lettre tue mais l'Esprit vivifie"). En réalité tout ce chapitre 3 décrit non pas une opposition entre 2 sortes d'interprétation, celle qui serait liée à l'esprit d'un texte biblique ouvrant à une liberté d'interprétation et sur l'autre versant le texte compris dans son sens naturel. Or dans ce chapitre 3, Paul relie la "lettre" à l'ancienne alliance et l'Esprit à la révélation du Christ qui lève le voile sur la vérité des textes de l'A.T. C'est pour cette raison que Paul se dit être ministre de l'Esprit et non de la lettre c'est à dire ministre de la nouvelle alliance à la différence de Moïse.

 

- P. 259-260 : Concernant l'article VII de la confession d'Augsbourg, F.L. affirme qu' "aucun consensus doctrinal protestant ne peut être supposé", le seul consensus serait la nécessité de prêcher l'évangile mais il ne s'agirait pas dans la confession d'Augsbourg "d'un enseignement normatif et intellectuel" car la prédication est avant tout "performatrice", elle doit être évaluée prioritairement selon ce critère "La doctrine est relative, dérivée de la prédication de l'Evangile".

 

- P. 363 : F.L. pense que les Eglises protestantes doivent reprendre à nouveaux frais l'apport des nouvelles religiosités car "Elles représentent des correctifs indispensables du christianisme" .

 

En conclusion : un livre qui me semble être plus un livre de sociologie religieuse que de théologie pratique d'où l'intérêt de la première partie de l'ouvrage très bien argumentée et la faiblesse de sa deuxième partie. Du reste l'auteur le reconnait volontiers : "En dernier ressort, la question de l'avenir des Eglises protestantes est peut être secondaire. L'essentiel est ailleurs" (p. 353, c'est nous qui soulignons). On peut donc s'interroger sur la pertinence du titre du livre mais aussi sur son ambigüité puisqu'il semble englober l'ensemble des Eglises issues du protestantisme sans préciser qu'il s'agit ici des Eglises issues du pôle luthéro-réformé.

 

Thierry Rouquet

 

Présentation du livre par l'auteur : 

 

 

 

Partager ce contenu

Ajouter un commentaire

 (avec http://)