Les souvenirs d'enfance d'Albert Schweitzer ...

Albert Schweitzer

Souvenirs de mon enfance

(Editions Albin Michel – 140 pages – 14 euros)

On a beaucoup trop peu parlé d’Albert Schweitzer en cette année 2015 qui marque le cinquantième anniversaire de sa mort. Pourtant le protestantisme, s’il rejette les idoles, a bien besoin, pour être compris des jeunes générations, de figures qui témoignent de l’engagement de ceux qui ont porté haut ses valeurs et ses couleurs, y compris au cours du XXème siècle. Il est dommage qu’en France, la mémoire d’Albert Schweitzer n’ait pas été saluée à l’image de ce qu’a pu être, il y a quelques années, celle de Martin Luther King.

Cet ouvrage, réédité par Albin Michel fort opportunément cette année, permettra de rattraper en partie cette erreur. Il fut écrit par Albert Schweitzer en allemand en 1924 et traduit en français par son oncle.

Il résulte en partie d’un travail de psychanalyse que Schweitzer a entrepris alors qu’il était déjà adulte, entre deux voyages à Lambaréné, travail qui lui fit mieux comprendre encore les tensions pouvant exister entre l’expérience et l’idéal.

Ce livre de souvenirs est une réussite éclatante en termes de lucidité sur soi comme sur les autres, sur les facettes du timide fils de pasteur qui deviendra à la fois un théologien, un médecin, un humaniste, et un organiste hors pair, mais surtout un homme de combats et de valeurs.

Schweitzer est né en Alsace cinq ans après l’annexion par l’Allemagne. Il y vécut toute sa jeunesse et on assiste au développement de sa personnalité entre sa famille respectée et aimée, ses études à l’école communale de Munster ou au Lycée de Mulhouse, avec une prédilection pour l’étude de la théologie qu’il entreprit très rapidement, la musique qu’il découvrit très tôt et l’attrait de la nature dont il bénéficia pendant longtemps aux pieds des montagnes des Vosges.

L’ouvrage est une succession de brefs paragraphes plein d’humour, de pudeur, de tendresse, où la gaîté se mélange à la gravité, l’émotion laisse apparaître la force d’un caractère ombrageux et indépendant. Il le fallait pour affronter le destin qui fut le sien. Ce livre de souvenirs est aussi un témoignage incomparable de ce que fut l’Alsace pendant cette fin du XIXe siècle, avec par exemple l’antisémitisme qui naît ou les tensions de plus en plus fortes entre la vie rurale traditionnelle et le développement de la société urbaine.

Composé avec un rare bonheur d’écriture, ce court récit est un fantastique cadeau de Noël à mettre entre toutes les mains des adolescents, des enfants et (bien évidemment) des adultes qui y trouveront bien plus qu’un moment d’évasion, plus que le récit d’une destinée: l’exemple d’Albert Schweitzer illustre auprès des jeunes comment un caractère peut se forger, une intelligence peut s’affermir, une vocation peut se construire.

Alain Joubert

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