Publié le : 2023-03-21 18:15:29
Catégories : Recensions
B. Reymond est un grand connaisseur de la réforme et plus particulièrement de sa branche zwinglienne puisque c'est lui qui a traduit et annoté les 67 thèses de Zwingli avec leur commentaire. Dans ce livre, l'auteur s'adresse au réformateur à la première personne car après avoir fréquenté ses écrits pendant plusieurs années, il lui est devenu si familier qu'il se sent autorisé à lui parler sur ce ton. C'est donc une lettre adressée au réformateur, lettre qui nous fait découvrir un personnage important de la Réforme cependant peu connu du grand public. Cette biographie n'est pas une enquête minutieuse et érudite - même si notre auteur en sait beaucoup plus qu'il ne le laisse transparaitre (pour les curieux une petite bibliographie se trouve en fin d'ouvrage) - ici nous sommes sur " le mode personnel et subjectif nettement distinct d'une enquête historique" (p. 8).
Cher Zwingli... Dialogue à une voix avec un grand réformateur,
Bernard Reymond, Labor & ides, 2021, 133 p. 18 €
Cette forme littéraire donne une fluidité au texte, un grand plaisir à sa lecture et permet à l'auteur, fin connaisseur de Zwingli, de poser des questions en supposant les remarques de son interlocuteur. Le risque de cet exercice est de tomber dans l'anachronisme, piège que l'auteur s'efforce d'éviter.
Avec cette biographie on découvre que Zwingli enseigne et prêche les grandes doctrines de la Réforme comme la justification par la foi avec sa propre pédagogie, à partir des évangiles et des paroles du Christ et non pas en doctrinaire. Zwingli est avant tout un prédicateur de la Bible et il ne cessera de critiquer toutes les traditions qui obscurcissent la compréhension du texte biblique comme en témoigne l'institution de la prophezei, réunion quotidienne du lundi au vendredi dont le but était de comprendre le texte biblique par une première lecture dans les langues bibliques puis chacun proposait la traduction la plus appropriée.
Bernard Reymond
Quelques remarques s'imposent : l'auteur reconnait qu'il peut parfois "retricoter" (terme employé pp. 76.78) la théologie du réformateur en avançant quelques thèses à la tonalité libérale. Est-ce du retricotage ou du détricotage ? Peut on suivre notre auteur quand il affirme que Zwingli ne considérait pas que toutes les paroles des évangiles n'était pas "Parole de Dieu" mais seulement certaines paroles prononcées par Jésus lui même (pp. 36.52.55) ? Ou quand il fait de Zwingli un précurseur de Schleiermacher et de l'exégèse critique mettant en doute l'authenticité des paroles de Jésus telles qu'elles sont retranscrites dans les évangiles ? idem sur la doctrine du péché originel (p. 59). Idem pour la mise en question du dogme trinitaire au XIX siècle qui serait "une conséquence lointaine et nécessaire [c'est nous qui soulignons] de la démarche que tu as engagée au XVI siècle." (p. 107). L'auteur pense que Zwingli aurait "amorcé" la théologie critique des siècles suivants sur l'ensemble de ces points.
En conclusion : un livre qui retrace avec beaucoup de finesse les étapes de l'évolution théologique de Zwingli, qui met en avant sa fonction de pasteur et de prédicateur ainsi que sa lutte incessante contre les superstitions qui obscurcissaient le message évangélique. Reste un point surprenant : pourquoi accorder autant d'effort pour faire de Zwingli, à la différence de tous les autres réformateurs, le précurseur de la théologie critique et libérale des XIX et XX siècles ?
Thierry Rouquet
Présentation du livre par l'auteur :