Charles Gide Ethique protestante et solidarité économique

Publié le : 2016-12-20 11:33:37

Charles Gide Ethique protestante et solidarité économique

Charles Gide

Ethique protestante et solidarité économique

Par Frédéric Rognon

(Figures protestantes – Olivetan – 2016 – 166 p. – 14 euros)

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On ne rappellera jamais assez l’intérêt, spécialement en cette période d’anniversaire de la Réforme protestante, de la collection Figures protestantes des éditions Olivetan. De nombreux portraits de grands réformateurs ou de courants de pensée de diverses époques ont permis de mieux saisir le protestantisme dans sa diversité , ce qui est la conséquence naturelle de la liberté de conscience.

Avec Charles Gide (1847-1932), Frédéric Rognon, professeur à la Faculté de théologie protestante de Strasbourg, évoque une figure en marge des théologiens. Le livre porte certes sur un protestant convaincu, mais d’abord sur un homme qui a dédié sa longue carrière à l’économie politique, et qui s’est fait connaître comme spécialiste de l’économie sociale et solidaire.



Mais c’est d’une œuvre protestante qu’il s’agit car , l’auteur l’a indiqué clairement, « sa pensée économique est de part en part une pensée théologique ». Le christianisme social, qui a exercé une influence déterminante aux XIXe et XXe siècles, est largement fondé sur le mouvement coopératif et solidariste dont Gide a conceptualisé la mission à partir de 1886, entre libéralisme et socialisme révolutionnaire, comme héritage de la Révolution française.


Charles Gide Ethique protestante et solidarité économique

Un rapide portrait de Charles Gide, par ailleurs oncle du grand écrivain André Gide, introduit ce livre. Il montre la vivacité d’une tradition : celle du protestantisme du Sud-Est, autant culturel que théologique, autant enraciné sur un terroir que porteur d’universalisme, autant marqué par le puritanisme et le respect des valeurs que par la générosité.



Un chapitre technique évoque l’actualité de l’économie sociale et solidaire. Il n’est guère convaincant. Par exemple, évoquant la finance éthique d’aujourd’hui, l’auteur s’étend sur le rôle du modeste Crédit Coopératif sans mentionner la financiarisation du Crédit Agricole et des Caisses d’Epargne. De même la crise de notre agriculture est souvent l’occasion de faire part du débat sur la captation des profits par les intermédiaires, au détriment des producteurs et les consommateurs. Le développement des circuits courts reste néanmoins marginal.



Une bibliographie abondante et de qualité permettra au lecteur intéressé d’approfondir ces ces questions.



Mais l’objectif n’était pas d’écrire un traité d’économie. Il était d’abord de donner grâce à Charles Gide un autre exemple du rapport du protestantisme avec le capitalisme, trop souvent résumé par le livre de Max Weber « L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme » (ou son titre, car la thèse de WEBER est beaucoup plus complexe). Non, le protestantisme n’est pas seulement lié au capitalisme débridé.



Il était ensuite de rendre justice à une trajectoire exemplaire, celle d’un homme qui, tout au long de sa vie, s’est efforcé de concilier son exigence spirituelle et sa promotion d’un système économique à la fois performant et équitable.


Charles Gide

Le lecteur est également séduit par la langue et le style de l’époque. Les fréquentes citations des discours de Gide (comme celui prononcé lors de l’Exposition universelle de 1889) donnent la nostalgie d’un style oratoire à la fois lyrique, simple et profond, symbolisant cette IIIe République des professeurs et des avocats, qui constitua pour notre pays (et pour les protestants) un temps fort du combat des idées.



Frédéric Rognon réussit une démonstration claire et pédagogique, empreinte à la fois de nostalgie pour un passé révolu, et d’exigence pour un avenir incertain.



Cette nostalgie, son livre l’étend à un courant majeur de la pensée protestante qui depuis GIDE a souhaité effectuer une synthèse, nécessairement imparfaite et tâtonnante, entre un engagement fort pour la justice sociale, la conscience des réalités économiques, l’attachement à la liberté, et la confiance dans les initiatives spontanées ou solidaires des acteurs du terrain. Le protestantisme, c’est tout cela à la fois.



Alain Joubert

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