Annette Monod, témoin de l'Histoire contre le négationnisme

Publié le : 2018-11-12 14:47:15

Annette Monod, témoin de l'Histoire contre le négationnisme

Frédéric Anquetil a écrit ce livre pour faire mémoire d’une personne qu’il a rencontrée à l’ACAT (Action des chrétiens pour l'abolition de la torture), aussi remarquable que peu connue.

En effet Annette Monod allie à ses compétences et à son courage une discrétion telle qu’elle aurait pu rester pratiquement inconnue en dehors des personnes, et de leur famille, avec lesquelles elle a eu des contacts.

Une petite incidente toutefois, elle fut mentionnée dans le film La Rafle (2010), mais il s’agit en l’occurrence d’une notoriété bien faible et aléatoire et dans tous les cas hors de proportion avec les qualités et l’action d’Annette Monod.

Annette Monod

L’ ange du Vel’d’Hiv’, de Drancy et des camps du Loiret

Frédéric ANQUETIL

Editions Ampelos

199 pages

17,00


Annette Monod est née en 1909 au sein d’une famille protestante et tentaculaire, son père, comme plusieurs de ses oncles, étant pasteur. Elle dira plus tard : Je suis née dans une famille bourgeoise, protestante, traditionnelle, toujours tournée vers l’aide aux autres. C’est donc tout naturellement que, adolescente, elle s’oriente vers le social et intègre l’Ecole Pratique de Service Social (EPSS), fondée par le pasteur Paul Doumergue. Son mémoire de fin d’étude est significatif de ce qu’elle accomplira tout au long de sa vie : La réadaptation des prisonniers. Elle se fonde alors sur la Bible : Souvenez-vous des prisonniers comme si vous étiez des leurs (Hébreux 13,3).



Elle exerce ensuite son métier sans problème significatif jusque’à la déclaration de guerre en 1939 où elle accepte la mission de créer un Foyer des Marins à Cherbourg qu’elle animera jusqu’à l’occupation. En aout 1940 elle est chargée d’assister, en gare de Compiègne, les prisonniers de guerre en partance pour l’Allemagne. C’est là qu’elle commence une «activité» parallèle en facilitant les évasions, ce qui lui vaudra quelques ennuis avec la police. Elle entre ensuite à la Croix-Rouge et accepte en 1941, d’aller comme volontaire dans les camps de Juifs (Pithiviers et Beaune-la-Rolande), faisant valoir ses origines protestantes, les ancêtres Huguenots, la culture biblique. Sans entrer dans les détails, on peut y illustrer son rôle avec l’extrait d’une lettre collective d’internés : nous n’oublierons jamais le réconfort moral que vous nous avez apporté. Elle n’y reste cependant que quelques mois et est mutée au camp de Drancy, d’une tout autre ampleur.


Elle y fait connaissance de très hautes personnalités juives telles que François Lyon-Caen, avocat à la Cour de Cassation, mort à Auschwitz en 1944, ou Jean Wahl, professeur de philosophie à la Sorbonne. Elle y tient le même rôle qu’à Pithiviers : soulager de son mieux les détenus, faciliter les contacts tant avec les familles qu’avec les autorités juives, et à côté de ses tâches professionnelles, également favoriser les évasions, obtenir de faux certificats de baptême, etc… Malheureusement cet excès d’activité déplaît aux autorités et la Croix-Rouge est interdite à Drancy en février 1942, avant le départ des premiers convois pour Auschwitz. Elle est alors affectée au camp de Voves en Eure-et-Loir où sont détenus des communistes français et espagnols. Elle y reçoit un accueil glacial, les communistes ne souhaitant pas d’assistance, la misère subie servant leur cause ! Elle n’y passe qu’un jour par semaine. En revanche, elle s’investit totalement lors de la rafle du Vel’ d’Hiv’ (16 juillet 1942, plus de 13000 arrestations dont plus de 4000 enfants) où règne un désordre inimaginable. Elle renoue avec le camp de Pithiviers pour rendre l’accueil le moins mal possible des enfants. Son énergie lui vaudra son surnom de L’ange du Vel’ d’Hiv’.


Elle a conscience alors que l’assistance de suffit plus. Elle entre dans la clandestinité et devienten particulier convoyeuse d’enfants, associée à des organisations juives, dont l’OSE (Oeuvre de Secours aux Enfants). Elle s’occupe également de la distribution de fausses cartes d’identité, mais elle ne fera partie d’aucun réseau. Elle s’inspire toujours de la Bible et, pour se donner du courage, se récite souvent le Psaume 23.


A la Libération, elle participe à l’accueil des déportés à l’Hôtel Lutétia, où elle ne reverra que deux personnes qu’elle avait connues dans les camps de Pithiviers et de Beaune-la-Rolande. Ensuite, après un poste de direction à la centrale pour femmes de Haguenau, elle renoue avec son métier d’assistante sociale, toujours en prison (Poissy, Fresnes). A partir de 1958 elle a la charge en particulier des prisonniers politiques d’Algérie. Tout en respectant les règlements, elle les assiste le mieux possible, notamment en leur fournissant des livres utiles à leur formation de futurs dirigeants de leur pays. Elle est alors proche du pasteur Etienne Mathiot, condamné le 14 mars 1958 à 8 mois de prison pour «atteinte à la sécurité extérieure de l’Etat».


Lorsqu’elle prend sa retraite, elle poursuit son activité d’«assistante» comme bénévole à l’ACAT et au Centre Quaker. Parallèlement elle témoignera de toute la souffrance qu’elle a connue, particulièrement au moment où le «négationnisme» se développe. Elle meurt en 2001 à l’âge de 92 ans.

On quitte ce livre bouleversé et admiratif.

A noter un bel avant-propos de Pierre Lyon-Caen, fils de François Lyon-Caen, évoqué ci-dessus, et lui-même également ancien avocat à la Cour de Cassation. Enfin le récit est utilement complété avec quelques photos et des encarts sur les principales personnes citées.

Remercions enfin les Editions Ampelos pour leur choix de livres rares.

Bernard Steinlin

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